lesecretdepoupée

Le secret de Poupée

 

   On l’appelait Poupée - et je n’ai pas trouvé trace dans les archives de son véritable nom - parce qu’elle garda son pur,  doux et adorable visage d’enfant,  alors que son corps était devenu celui d’une femme, et même, il faut le souligner, d’une femme sacrément bien roulée.

   D’où tenait-elle ce privilège ? Les habitants de la ville qu ‘elle habitait prétendaient que c’était parce que ses parents l’avaient vouée à Diane, la vierge déesse chasseresse. Et il est vrai de dire qu’elle ne s’intéressait ni aux garçons de son âge ni aux hommes plus mûrs qui tous lui faisaient une cour des plus pressantes.

   Elle acceptait leurs cadeaux de bonbons et de colifichets, mais ne répondait à leurs sollicitations que par des plaisanteries de gamine, tant que certains, sans que cela réduisit si peu que ce fut leur passion, prétendaient que son intelligence était restée au quotient de sa tête enfantine et non à celui de son corps attrayant d’où vient, dit-on, l’esprit aux filles.

   On ne sait pas ce qu’il serait advenu d’elle si le sort n’avait pas voulu que le seigneur du pays, ayant ouï parler de son étonnante beauté, vint la voir et en tomba follement amoureux.

   Elle  ne lui fut pas plus favorable qu’à ses autres prétendants, mais , comme il était tout puissant, il l’enleva et la cloîtra dans son château dans un boudoir tout tendu de rose, mais aux fenêtres à gros barreaux et portes fermées à triple tour.

   Chaque jour - voire plusieurs fois par jour - il venait lui apporter mille cadeaux en fait de colliers de perles, diamants et dessous affriolants, lui demandant, de façon chaque fois plus vive, de céder à son désir et de devenir maîtresse de tous ses biens.

   La belle, sans se départir d’une calme douceur, lui répondait uniformément qu’elle était vouée à Diane et que ses désirs, à elle, n’allaient pas au-delà d’une envie violente de jouer avec une poupée qu’il ne lui avait pas laissé le loisir d’emporter.

   Le seigneur s’éloignait alors en jurant de façon fort blasphématoire, et se demandait souvent  si elle ne se moquait pas de lui (ses mots étaient : « Si elle ne se fout pas de ma goule. »). Sa fureur  n’en faisait que croître et un beau jour -  si l’on ose dire que ce jour fut beau - il se jeta sur elle, dérangea sans précaution ses lingeries intimes,et fit jaillir de ses propres chausses ce que la mignonne, dans son innocence, identifia comme un gros poisson rose à oeil unique, avec lequel il apprêtait à son égard une agression criminelle, quand, lui ayant sans ménagement ouvert les cuisses, il aperçut, entre les lèvres du sexe vierge, quelque chose qui le médusa. Comme aurait dit Victor Hugo : « L’oeil était dans la fente et lorgnait le coquin. ».

     On l’aura compris : c’était celui de Diane qui protégeait son élue. Le seigneur - qui n’avait pas lu Bataille - s’enfuit effaré en oubliant de fermer la porte. Ce qui fait que Poupée, remontant tranquillement sa culotte,  regagna la maison paternelle où, ayant raconté la chose, on la jugea miraculée, et, sans que l’on prêtat attention aux propos des jaloux qui racontaient qu’elle avait manigancé son coup et, qu’en fait, elle était lesbienne, on la fit prêtresse du temple de la Chasseresse, restaurée à son attention.